Napoléon, la France et le fait religieux

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Dans les Mémoires de Bertrand Barère (compagnon de l’Empereur déchu à Sainte-Hélène), Napoléon Bonaparte énonce clairement qu’en Égypte, il paraît son cœur de la foi du musulman, en France et en Italie, en bon catholique il se conduisait (alors qu’il fut un anticlérical acharné) et que, s’il était à la tête d’un Etat juif, il s’empresserait « d’élever la synagogue ».

Selon moi, Dieu étant cependant plus savant, Bonaparte n’a jamais été musulman, nonobstant ses confidences et ses écrits : « Il n’y a qu’Un Dieu. C’était le message de l’islam. L’islam est la vraie religion. Je suis moi, musulman unitaire. » (Correspondance de Napoléon – Journal inédit de Sainte-Hélène). Beaucoup me disent : « Mais s’il n’avait pas choisi l’islam, pourquoi donc s’est-il prêté à de telles confidences à ce moment-là, se sachant alors condamné ? ». Je leur répondrais que, malgré sa situation délicate à Sainte-Hélène, Napoléon pensait vraiment qu’il allait s’en sortir. « Un Empereur ne meurt pas sur un rocher en pleine mer » s’est-il surement insufflé. L’Histoire lui donnera malheureusement tort.

Tout au long de sa vie, Napoléon n’a eu de cesse de glisser au sommet de ses valeurs le pouvoir et l’argent. Pour arriver au premier et s’accaparer le second, quoi de mieux que la démagogie ? Buonaparte, le corse d’origine italienne qui haïssait la France et les Français plus que tout (« peuple hideux » disait-il du Peuple français), a joué sur deux tableaux et usé d’hypocrisie et de complots pour parvenir à la Magistrature Suprême.  Mais n’est-ce pas les éternels ingrédients de l’intelligence politique ? La conjuration n’est-elle pas intimement liée au pouvoir ? Comment lui en vouloir ?

Suite au revers de la Campagne d’Egypte et la fin de son rêve de devenir le nouvel Alexandre le Grand, la France n’était pour lui qu’un terrain de chasse. Peut-être a-t-il finit par l’aimer, cette belle et douce France. Cela est possible. Quoi qu’il en soit, je demeure toujours grandement admiratif de la montée en puissance et de l’apogée extraordinaire de cet homme parti de rien pour devenir le tout absolu

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Je dois cependant avouer ne pas comprendre certains musulmans qui s’acharnent à vouloir islamiser telle ou telle figure de l’Histoire. Si Napoléon est mort musulman, alors, suivant les préceptes islamiques, cela sera un bienfait salutaire pour lui lorsqu’il sera confronté au jugement de l’Éternel Seigneur d’Abraham, mais pour eux ? Quel est le but ? Se rassurer ? « Voyez-vous, les grands hommes furent musulmans ! Vous êtes dans le vrai ! ». Napoléon, Victor Hugo ou autres, aussi respectueux et talentueux soient-ils, sont-ils plus grands que les messagers et prophètes que l’islam, le judaïsme et le christianisme donnent en exemple ?

En 1800, peu de temps après le coup d’Etat du XVIII Brumaire et l’instauration du Consulat, le futur Empereur s’exclamât ainsi : « La religion doit être accaparée par l’Etat pour ruiner les royalistes et contrôler le peuple ! Il ne faut pas laisser les prêtres faire ce qu’ils veulent. » La religion n’était pour cet homme de pouvoir qu’un outil parmi d’autres pour tenter de l’obtenir. Et je dois souligner que c’est avec brio qu’il en a fait l’usage. Dans une France encore très catholique à cette époque, il aurait fallu être fou pour se passer du pouvoir spirituel de l’Église. Napoléon Bonaparte sut la soumettre, et c’est des mains du Pape Pie VII qu’il arracha la couronne impériale pour se la déposer lui-même sur la tête le jour de son sacre, le 2 décembre 1804, en la Cathédrale Notre-Dame de Paris. C’était l’Empereur qui se sacrait et non l’Eglise qui le bénissait (voir plus haut la fabuleuse peinture de Jacques-Louis David). Ainsi, Napoléon rompait-il avec les préceptes monarchiques : il ne se fit pas sacrer en la Cathédrale de Reims et n’attendit pas l’onction du Saint-Siège. Il était Empereur. Non un simple roi. « L’intelligence ne se mesure pas des pieds à la tête, mais de la tête au ciel » disait-il avec fracas.

Malgré ses frasques, l’Empereur Napoléon Bonaparte demeure assurément l’un des plus grands hommes de l’Histoire de France. Par ses réformes, il contribua à moderniser le pays. « On n’avait jamais vu, on ne verra sans doute jamais, et en un temps si court, pareille accumulation de bienfaits ! » s’écriait le laudateur Gabriel Hanotaux. En effet, le Code civil, les préfets, le Concordat, la Banque de France, l’Université, la Madeleine, la colonne Vendôme sont tout autant de biens inestimables que Napoléon Bonaparte nous a légué. Il sut redonner à la France, en des temps pourtant scabreux, l’apparat qui lui revenait de droit. Avec sa Grande Armée, il permit à la France d’atteindre une aura jamais égalée depuis Louis XIV et jamais retrouvée depuis lors.

Sic transit gloria mundi 

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